Préambule

La comtoise fait partie de l'imagerie populaire. Lorsqu'on la cite et qu'on l'imagine, on la voit près de la cheminée, en haut d'un escalier ou près de la porte. Mais en général, aujourd'hui, on en parle peu. Les dernières générations à avoir hérité de l'horloge familiale ne la connaissent pas telle qu'elle a été. Le temps a eu raison de son bon fonctionnement et de son esthétique. Il s'agit moins d'usure que de négligence. A force de la voir, on ne la voit plus. L'âge a fini par jeter une chape de plomb sur son existence. Après elle, la première fusée sur la lune en 1969, la télévision, internet et j'en passe. La vie moderne. On pourrait la croire dépassée, démodée.

Pourtant lors de certaines expositions les possesseurs d'horloge comtoise s'arrêtent devant mon stand avec cette exclamation : " Tiens, on a la même ! ". Et puis, à ce moment-là, ils repensent à leur horloge un peu oubliée dans un grenier ou sur le pas d'une porte. Je leur raconte son histoire. Où elle est née, comment et par qui elle a été réalisée... 

En l'espace de peu de temps, on peut sentir leur regard changer. Ils repensent à l'intimité de leur histoire liée avec celle de l'horloge familiale. Et là, c'est une partie de leur passé qui sort de l'ombre, l'arrière grand-père qui l'a achetée chez l'horloger du coin. Les rituels de la personne préposée au calage et au remontage. L'agitation autour d'elle, les enfants, les joies, les douleurs, la vie, puis le jour où elle s'est tue. L'émotion liée à ces souvenirs génère soudain un désir de conservation. Parce que l'on est tous en quête d'identité et parce que l'on cherche naturellement à préserver les choses du passé et renforcer les liens qui nous rattachent avec nos ancêtres. Connaître le passé pour mieux imaginer et construire l'avenir.

De retour chez eux, ils montent dans le grenier, ils reprennent contact avec l'hôte délaissée. Ils replacent le mécanisme dans son compartiment. Ils accrochent les poids. Ils palpent du bout des doigts la surface du boîtier pour sentir les arabesques en creux, ils s'assurent de l'authenticité du décor. Ils la sortent de l'ombre pour l'approcher de la lucarne et dans ce simple geste, le passé est sauf, la mémoire reprend ses droits.